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Des forages pétroliers à l’insertion

Pierre Jacquin nous raconte son parcours et métier de Conseiller d’insertion professionnel (CIP), dans l’entreprise d’insertion, ID’EES 21, en Bourgogne.

Pierre, comment êtes-vous devenu Conseiller en insertion professionnelle ?

J’ai une formation de technicien supérieur en industrie et un DUT Hygiène et Sécurité. Après mon service militaire, j’ai été embauché chez Elf Aquitaine sur des forages pétroliers. Après je suis parti travailler chez Bouygues pour la mise en conformité de leur site de St Quentin-en-Yvelines. J’ai quitté Bouygues suite à leur rachat par TF1 et j’ai décidé de revenir en Bourgogne auprès de mon père. J’avais le temps de me préparer à une éventuelle reconversion. J’ai alors fait un bilan de compétences où ressortaient les métiers liés au social. Si je n’avais pas été assis, je serai tombé de ma chaise !

A l’époque les PAIO étaient en plein développement et il y avait du personnel à former. J’ai fait un stage en immersion. On m’a donné la charge du Point Information Jeunesse où j’ai été en rapport direct avec la directrice qui a vu que j’étais très intéressé par son métier (entretiens, publics reçus…). Elle m’a proposé un premier contrat puis je suis passé en CDI. Je suis resté 13 ans à la mission locale de Dijon. J’ai développé les antennes rurales et j’ai été volontaire pour développer une antenne sur les quartiers sensibles dijonnais. Ça a été très instructif et m’a permis d’acquérir de nouvelles compétences…d’appréhender beaucoup de problématiques aussi. Et puis un jour, parce que j’aime les challenges, j’ai voulu aller voir du côté de l’entreprise d’insertion pour découvrir un public adulte. J’ai appris qu‘ID’EES 21 montait un pôle insertion où j’ai été recruté en 2007.

Parlez-nous un peu de votre poste aujourd’hui ?

Je m’occupe de suivi et de l’accompagnement d’environ 60 personnes. C’est une autre façon de faire de l’insertion sociale et professionnelle. J’ai la clé du bonheur : le contrat de travail. A la mission locale, on parlait peu d’emploi. A  ID’EES 21, même si on reste sur des statistiques de sorties régulières, pour les gens qu’on accompagne, on répond autant à une demande d’intégration que d’insertion : les gens sont sur le territoire français et ont le droit de travailler mais nous gérons des problématiques d’intégration dans 50 % des cas. Les gens viennent nous voir, quand ils sont autorisés à travailler. La problématique linguistique est très importante avec un gros travail de remise à niveau en français. Le niveau est très bas car ils ne pratiquent pas la langue française, d’autant plus qu’ils ne sont pas en contact avec le monde du travail.

On est plutôt une espèce de déclencheur. Notre mission c’est de mettre les gens au travail, ce qui est une mission noble.  Mais le système en place fait qu’il faut attendre que les gens soient au fond du trou pour qu’ils soient orientés chez nous. On fait parfois plus de coaching que d’accompagnement. On porte les gens à bout de bras. On crée du lien aussi. J’ai des gens qui ont quitté l’entreprise, qui viennent me donner des nouvelles.

Le métier de Conseiller en insertion professionnelle (CIP) est un métier très féminisé, comment évoluez-vous dans cet environnement en tant qu’homme ?

Etre CIP homme, dans un environnement essentiellement féminin, est plutôt facilitant. On pondère les choses, on apporte une autre vision. En plus, j’ai 54 ans, et mon âge m’apporte une plus-value, je suis un peu considéré comme le « vieux sage ». Un deuxième homme travaille avec moi, Patrick. On est sur la même longueur d’ondes mais c’est aussi une histoire de générations. Je pourrai aspirer à continuer mon parcours ailleurs, mais je suis bien dans cet environnement car on sert aussi de poils à gratter en réinterrogeant sans cesse notre métier.

Quel regard portez-vous sur l’égalité femmes-hommes à travers votre métier ?

On a beaucoup plus de prescriptions de Pôle emploi pour des hommes que pour des femmes. On essaye malgré tout d’avoir un équilibre (femmes/hommes, tranche d’âge, etc.) Sur les contrats de travail, il y a des contraintes horaires et les femmes qu’on nous envoie sont chargées de famille et souvent seules, de plus en plus divorcées ou alors le mari est resté au pays, ça fait beaucoup de contraintes. Mais c’est la réalité de l’offre d’emploi. On essaye de proposer des contrats ou la mobilité n‘est pas trop un frein. On travaille beaucoup sur le logement et tout ce qui est lié à la garde d’enfants, pour qu’elles puissent trouver leur autonomie en termes de travail. La plupart ont des niveaux 6 ou 5 bis, voir 7. Ce n’est pas forcément la denrée recherchée par les entreprises. Notre mission d’insertion, on ne sait pas si on va la mener à terme. C’est un peu démoralisant.

Mais je pense que la grande richesse qu’on a c’est d’être multicartes : des gens se croisent chez nous et ne se seraient jamais croisés autrement. Les liens se créent dans les équipes. Un jour une école primaire est venue visiter le centre de tri et les gosses ont été étonnés de ne voir que des noirs. Aujourd’hui il y a des roumains, des gens des pays de l’Est, des africains… Cette diversité permet de décloisonner. Les rapports femmes-hommes sont aussi très importants dans certaines religions ou communautés, les hommes disent que les femmes ne doivent pas travailler. Là, ils les voient travailler comme eux, sur les mêmes postes…et ça, ça fait bouger les lignes ! 

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