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Nadia Landry interpelle le ministre du Travail et des Solidarités sur l’avenir de l’IAE

Dans un courrier adressé à Jean-Pierre Farandou, ministre du Travail et des Solidarités, la présidente de La fédération des entreprises d’insertion, Nadia LANDRY, fait part de sa vive inquiétude et de ses préconisations concrète afin d’éviter de briser les fondations économiques sur lesquelles repose l’IAE.

Monsieur le Ministre, 

Au nom des plus de 2 000 entreprises d’insertion (EI) et de travail temporaire d’insertion (ETTI) que représente notre fédération, nous exprimons notre vive inquiétude et notre incompréhension face aux choix du Gouvernement relatifs à l’avenir de la politique d’insertion par l’activité économique (IAE).

Les entreprises d’insertion, partenaires incontournables de la politique d’insertion 

Depuis 40 ans, les entreprises d’insertion parviennent à concilier efficacement développement économique et mission sociale. En choisissant de dédier une partie de leurs ressources financières et humaines à la levée des freins à l’emploi, elles offrent à l’Etat un formidable support sur lequel il fait reposer, pour un coût très limité, sa politique de lutte contre le chômage, l’exclusion et la pauvreté. 

Cette mission sociale, au cœur des valeurs de nos dirigeants, de nos salariés et de nos actionnaires, représente un coût important qui n’est pas supporté par les entreprises « conventionnelles » concurrentes. L‘investissement dans les actions d’accompagnement social et professionnel, d’accès à la formation, de gestion de la moindre productivité liée au turn-over permanent, à l’absentéisme et aux fragilités des personnes en insertion n’est que partiellement comblé par l’Etat à travers l’aide aux postes. 

Convaincu par l’intérêt de l’IAE pour viser son objectif de plein emploi, le Gouvernement a souhaité en 2019 mobiliser les structures de l’IAE en augmentant fortement le budget dédié à l’insertion à travers le « Pacte Ambition pour l’IAE ». 

Identifiées comme des acteurs fiables pour réussir l’expansion de cette politique, les entreprises d’insertion ont été fortement encouragées par l’Etat à créer de nouvelles structures et à ouvrir rapidement de nouveaux postes en insertion. Malgré une conjoncture défavorable (pandémie, inflation, instabilité politique et commerciale, etc.) et une pression constante infligée par la concurrence, entre 2018 et 2024, plus de 700 EI et ETTI sont parvenues à se créer, et 8 000 emplois d’insertion en équivalent temps plein (ETPi) ont été ouverts par les EI et les ETTI. Plus de 100 000 personnes bénéficient chaque année d’un parcours en insertion. 

Cette vague de création de postes a été le fruit d’un lourd investissement fourni par les entreprises d’insertion, corrélé à de belles innovations pour se frayer un chemin dans des secteurs marchands très concurrentiels. A titre d’exemple, une agence ETTI devient économiquement viable qu’au bout d’au moins un à deux ans d’activité et avec plus de 150 000 euros d’investissement initial avant de pouvoir se faire une place sur le marché de l’intérim au sein d’un bassin d’emploi – elles ne représentent que 2 % du marché de l’intérim en France. 

Pour autant, malgré de nombreux efforts pour créer ces milliers d’emplois privés, les entreprises d’insertion n’ont capté qu’une part modeste de la croissance du budget IAE : entre 2019 et 2024, le budget IAE a augmenté de 52 % quand celui alloué aux EI n’a augmenté que de 43 % et celui des ETTI de 38 %. Par conséquent, la part du budget alloué aux EI et ETTI dans le cadre des aides aux postes a reculé de 25 % à 23 % par rapport à toutes les structures de l’IAE. 

Les entreprises d’insertion fragilisées par une cure d’austérité trop brutale 

A partir de début-2025, le Gouvernement inverse la tendance en infligeant aux structures de l’IAE une cure budgétaire : – 50 M€ le budget dédié aux aides aux postes par rapport à 2024 ; – 30 M€ sur le PIC IAE entre 2023 et 2025 ; suppression du Fonds de développement de l’inclusion (FDI). 

Les graves défauts de pilotage du budget IAE par l’Etat, qui n’a pas su prendre suffisamment en compte les contraintes propres aux SIAE marchandes, ont fortement fragilisé le modèle économique des EI et des ETTI qui ont, dans leur grande majorité, vues leur conventionnement se réduire plus vite que leurs activités économiques – les EI ont perdu 9,2 % d’ETPi conventionnés entre 2024 et 2025 (contre – 2,8 % en moyenne dans l’IAE). 

Soucieuses de préserver leur outil social tout en s’efforçant de rester complétives face aux exigences du marché afin d’éviter une décrue de leurs chiffres d’affaires, la plupart des EI et ETTI ont dû financer sur leurs fonds propres la mission d’insertion que l’Etat ne soutient plus autant. Le manque à gagner se chiffre à plusieurs centaines de milliers d’euros pour les plus grandes entreprises d’insertion, ce alors que 2025 est une année marquée par une conjoncture morose en France et en Europe. 

Malgré tout, votre Gouvernement a choisi d’accélérer la baisse des crédités dédiés à l’IAE l’année prochaine en visant prioritairement les EI et ETTI : entre le PLF 2025 et le PLF 2025, 25 % des postes en insertion sont prévus d’être supprimés en EI et 22 % en ETTI selon l’annexe au PLF (contre 20 % de suppression en moyenne dans l’IAE). Par ailleurs, le PIC IAE est à nouveau menacé d’une baisse drastique – voire de disparition. 

En parallèle des débats parlementaires, votre administration étudie l’éventualité d’un gel du montant de l’aide aux postes par rapport au SMIC, ce qui fragiliserait durablement le modèle économique des SIAE et aggraverait la situation de nombreuses entreprises – 50 % se disent en difficulté en 2025. 

Comment, dans ce contexte, maintenir durablement notre engagement et notre action sociale alors même que nous luttons pour assurer notre activité ? Comme vous, nous aimerions améliorer les taux de sortie vers l’emploi durable, mais comment maintenir notre investissement dans l’accompagnement social et professionnel quand l’État lui-même se désengage et dévalue sa contribution ? 

Pourquoi scier la branche sur laquelle repose l’un des dispositifs de lutte contre le chômage le plus efficace ? Pourquoi se priver d’un outil qui permet, dès la première année de parcours d’insertion, de faire des économies à l’Etat grâce à une sortie immédiate des minimas sociaux et à la création de richesses qui génère des recettes fiscales et sociales ? Pourquoi tuer une économie locale faite de TPE/PME qui résistent aux aléas commerciaux et revitalisent nos territoires ? C’est incompréhensible… 

Un élan de lucidité transpartisan au Parlement que votre Gouvernement néglige 

Lucides quant à l’intérêt de l’insertion dans un contexte de hausse du chômage et de fracturation de la cohésion sociale, les deux chambres du Parlement ont appelé quasi-unanimement à sauver l’IAE. 

D’abord, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté un amendement de 244 M€ au budget IAE grâce au soutien consensuel des groupes de tous bords. Quelques jours plus tard, le Sénat corrige à son tour la copie budgétaire initiale en adoptant un amendement de compromis transpartisan issu de la Commission des affaires sociales et porté par Les Républicains de 139 M€. 

Pour autant, vous avez refusé de lever le gage sur ces amendements de bon sens et votre administration continue de préparer le début d’année 2026 en envisageant une baisse de 11 % du nombre d’ETPi conventionnés en 2026 par rapport à 2025 pour l’ensemble des SIAE, sans considération pour la qualité de leurs actions d’accompagnement et en contradiction totale avec l’objectif affichée par le Gouvernement d’orienter la dépense publique vers les solutions les plus efficientes. 

Cette baisse de 11 % serait non seulement largement supérieure à la baisse actée par le Sénat, y compris en prenant en compte la réserve de précaution de 4 %1, mais son caractère arbitraire infligerait aux entreprises d’insertion un coup d’arrêt brutal de leur dynamique économique, au détriment de leur mission sociale. 

Les préconisations de la fédération des entreprises d’insertion 

C’est pourquoi je vous demande solennellement, Monsieur le ministre, de prendre en compte le consensus parlementaire et d’écouter les alertes des acteurs de terrain en revenant sur le projet budgétaire initial du Gouvernement et en exigeant de votre administration qu’elle revoit ses méthodes de pilotage de l’IAE afin d’éviter de briser les fondations économiques sur lesquelles repose l’IAE. 

Si les efforts budgétaires peuvent être nécessaires, ils ne doivent pas casser un dispositif qui redonne de l’écoute, de l’humanité et de la vie économique sur nos territoires. 

C’est pourquoi, je vous demande : 

  • Un soutien pour une correction de la copie budgétaire initiale du PLF 2026 d’au moins 139 M€ afin de respecter la volonté du Parlement ; 
  • De limiter la réserve de précaution sur l’action 03-03 du programme 102 relative à l’IAE à un maximum de 4 %, conformément au taux exigé par la Direction du budget ; 
  • D’appliquer une baisse différenciée entre familles de SIAE à l’échelon régional afin d’avoir un pilotage plus adapté aux particularités de chaque structure ainsi que pour rééquilibrer le « mix-IAE ». 

Nous offrons une seconde chance à toutes celles et ceux qui aspirent à sortir de l’exclusion, à rebondir après un coup dur, à quitter l’économie informelle ou à s’émanciper des aides sociales pour enfin vivre dignement de leur travail ; aux femmes qui portent seules le poids des inégalités ; aux jeunes dans l’impasse à l’issue de leur scolarité ; aux étrangers épuisés par leur parcours d’exil. 

L’État doit aux entreprises d’insertion d’avoir réparé les vies que le marché de l’emploi a brisé par l’exclusion. Sans elles, les multiples tensions qui traversent le pays seraient plus fortes, le déficit public plus grave. Elles sont une solution sur laquelle s’appuyer, nullement un problème à corriger. 

Monsieur le ministre, j’en appelle à votre sens des responsabilités et du pragmatisme, le temps n’est pas venu de sacrifier les entreprises d’insertion sur l’autel de la rigueur budgétaire. 

Je reste à votre disposition ainsi qu’à celle de votre cabinet pour convenir d’un échange très prochainement. 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, mes respectueuses salutations. 

Nadia Landry 
Présidente de la Fédération des entreprises d’insertion 
Dirigeante de l’entreprise d’insertion Pierre en Paysage

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