Portrait

Mieux déconstruire et valoriser les déchets du bâtiment : le défi de Démoltri

 

Responsable de près de trois quarts des déchets produits en France, le secteur du bâtiment s’est vu fixé des objectifs et un cadre règlementaire pour réduire la production de déchets générés par les chantiers. Ce mois de novembre est marqué par la semaine européenne de la réduction des déchets. Dans ce cadre, partons à la découverte de Démoltri : une entreprise d’insertion positionnée sur une nouvelle activité et de nouveaux métiers essentiels à la réduction des déchets du bâtiment : le curage et la dépose sélective. Malik Boucetta, son directeur et co-fondateur, et Mohamed Elamri, qui a en charge la direction technique et opérationnelle, nous présentent leur projet.

Démoltri est une entreprise spécialisée dans le curage sélectif, pouvez-vous nous expliquer cette activité ?

Mohamed Elamri : Quand on construit, on commence par la partie ossature : c’est le squelette du bâtiment qu’on appelle le gros œuvre. Puis on vient l’habiller avec le second œuvre, c’est-à-dire dans un premier temps les menuiseries extérieures, les éléments d’étanchéité et ensuite l’ensemble des aménagements intérieurs (cloisons, revêtements menuiseries intérieures, dispositifs électriques…). Le curage c’est l’inverse ! Il s’agit du déshabillage complet d’un bâtiment, dans l’ordre inverse de sa construction. On enlève et on démantèle l’ensemble des éléments du second œuvre, pour laisser seulement l’ossature en béton en vue d’une rénovation, ou d’une démolition.

En quoi le curage sélectif permet-il de répondre aux enjeux de réduction et de valorisation des déchets du secteur du bâtiment ?

M.E :  

L’avantage de cette technique, c’est qu’elle permet de maximiser le potentiel de valorisation des déchets, issus des opérations de démolition ou de rénovation. On a tous en tête l’image d’une boule de démolition maintenue par une grue qui casse un bâtiment et produit un tas de gravats mélangeant tous les déchets du chantier. Maintenant on n’opère plus comme ça !

Pour répondre aux enjeux règlementaires de valorisation des déchets du bâtiment (soit par le recyclage des matières soit par le réemploi sur d’autres chantiers), il faut pourvoir les trier et les conditionner pour conserver leur potentiel de valorisation. Certains éléments, comme le plâtre, doivent être conditionnés séparément des autres matières si on veut les valoriser. C’est ce que permet le curage sélectif, en enlevant ou en démontant en amont d’une démolition, les éléments de second œuvre peuvent être valorisés.

On peut également opérer un curage dit “préservant” où l’on va déposer uniquement certains éléments demandés par le client afin qu’ils soient réemployés dans le même bâtiment, ou ailleurs dans les matériauthèques. Il s’agit alors d’opérations plus délicates et donc un peu plus longues, où l’on va démonter les éléments de manière soignée afin de préserver leur potentiel de réemploi.

Démoltri est une émanation de Prestaservices Sud, une entreprise du nettoyage présente sur le bassin Marseillais, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous vous êtes lancés dans le curage, une activité à première vue éloignée du monde du nettoyage ?

Malik Boucetta : A l’origine il y a Prestaservices Sud, une entreprise d’insertion du secteur de la propreté, que nous avons créée en 2019. Nous avons développé progressivement des services de nettoyage adaptés aux besoins des entreprises du bâtiment, allant du nettoyage de bases de vie au nettoyage de fin de chantier. Petit à petit, nos clients ont fait appel à nous pour de nouveaux besoins, autour de la collecte d’encombrants ou du démantèlement de moquettes ou de portes.

La demande de plus en plus récurrente nous a poussé à nous questionner sur la structuration d’une activité de curage et de dépose préservante. Le contexte du secteur est plutôt favorable, avec des enjeux, de plus en plus forts, en matière de réduction des déchets du bâtiment, notamment avec la mise en œuvre de la loi Anti-gaspillage et économie circulaire (loi AGEC) instaurée en 2020 qui prévoit la mise en place d’une filière REP pour les déchets du bâtiment.

Nous étions par ailleurs convaincus que ces activités étaient un excellent support d’insertion professionnelle ! Rapidement nous avons fait le constat qu’il fallait créer une structure spécifique, pleinement ancrée dans le secteur du bâtiment. C’était une exigence à la fois pour des raisons assurantielles et règlementaires et surtout pour une question de crédibilité pour nos clients. Il était nécessaire que nous soyons reconnus avant tout comme des acteurs du bâtiment avec les contraintes, le cadre et les méthodes de ce secteur. C’est ainsi, que l’entreprise d’insertion Demoltri a vu le jour en mai 2021.

Démoltri a aujourd’hui un an et demi d’existence quel bilan tirez-vous de cette activité ?

M.E : Aujourd’hui nous assurons la dépose sélective, notamment de moquettes, tommettes, cloisons préfabriquées, dalles de faux plafonds, modules d’éclairage, menuiseries intérieures et extérieures cloisons vitrées. Nous assurons également le tri en pied de chantier et avons la capacité de répondre à la demande de clients sur de la dépose préservante en vue d’un réemploi. Nous avons mené depuis le lancement une quinzaine de chantiers et disposons d’une équipe de quatre salariés (nous sommes conventionnés pour trois ETP).

M.B : L’objectif maintenant, c’est de consolider le modèle, l’organisation et de structurer la montée en compétence des salariés : de la découverte des métiers à la qualification.

Quels supports d’insertion cette nouvelle activité offre-t-elle aux salariés en parcours ?

M.B : Ces nouvelles activités permettent à nos salariés en parcours de découvrir, d’expérimenter, de monter en compétence et de se qualifier sur de nouveaux métiers comme ceux de technicien valoriste ou ceux de la démolition. C’est un secteur porteur qui offre de nouveaux métiers « tendance ».

M.E. : Les personnes que nous accompagnons ont en général déjà une expérience du bâtiment. Mais ce sont des personnes qui ont stagné sur des postes de manœuvre et qui souvent, par manque d’informations ou de conseils, n’ont pas eu l’opportunité ou la capacité d’aller sur des métiers plus qualifiés, comme plaquiste, coffreur, ou maçon. Aujourd’hui, grâce à ces nouveaux métiers et à une formation intense sur le volet sécurité, nous leur offrons la possibilité d’être les pionniers, les précurseurs de nouveaux métiers plus attractifs et plus qualifiés.

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